Fiscalité carbone et finance climat. Un contrat social pour notre temps, Emmanuel Combet, Jean-Charles Hourcade, éd. Les Petits Matins

Les auteurs, dès le début, affirment le caractère non consensuel de ce livre car « publier aujourd’hui un ouvrage sur la fiscalité carbone pourra paraître typique de l’aveuglement de bobos hors sol ». Il est vrai que beaucoup d’économistes ne comprennent toujours pas comment les essais de mise en place d’une fiscalité carbone se sont soldés par des échecs. La concurrence des « marchés de quotas d’émissions », préférés souvent pour des raisons idéologiques (la magie du mot « marché » !), a été fatale à la fiscalité carbone qui pourrait pourtant bien être réhabilitée, surtout au regard des nombreuses difficultés rencontrées par son concurrent. Le livre est courageux car il développe un plaidoyer pour la fiscalité carbone, à l’encontre de la pensée dominante des économistes.
La première partie retrace l’histoire de la fiscalité carbone en rappelant son caractère incitatif, à l’encontre des taxes de rendement fiscal ou des taxes curatives et en explicitant les mécanismes mis en jeu. Le débat sur le « double dividende » de la taxe carbone y est largement développé. Tout au long de la lecture, on comprend les implications importantes de la mise en œuvre d’une taxe carbone, avec des effets redistributifs qui peuvent être importants et les conséquences en termes d’emploi qui sont détaillées : ceci explique les implications politiques du déploiement d’une taxe carbone car il s’agit bien d’« un contrat social pour notre temps », sous-titre de l’ouvrage. Les enjeux en termes d’équité sont précisés ainsi que le rôle du progrès technologique. La deuxième partie s’attache à comprendre l’échec rencontré par la fiscalité carbone qui provient pour les auteurs d’une compréhension limitée aux effets sur le consommateur sans vision globale sur les conséquences sur les salariés et les citoyens. La dimension géopolitique qui prévalait à la fin des années 1990 permet de rappeler l’échec « fondateur » de la taxe, notamment le projet européen « Ripa de Menea » suivi des échecs en France. Le court-termisme, une nouvelle fois, a frappé. Le troisième chapitre développe l’articulation entre fiscalité carbone et finance carbone, indispensable selon les auteurs, pour faciliter l’émergence d’un mode de développement « adapté aux tensions de la mondialisation et à l’essoufflement du mode de croissance issu des Trente Glorieuses » ; il apporte ainsi des éléments de réponse aux risques d’une stagnation séculaire dont les conséquences seraient redoutables.
Le livre est très bien écrit, très agréable à lire, ce qui rend accessible des raisonnements parfois compliqués. Truffé de petits exemples chiffrés et allégés par des anecdotes, il développe la pensée des auteurs d’une façon à la fois plaisante et efficace. Bref, on a beaucoup aimé ce livre !

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