Afin d’atteindre la décarbonation des systèmes électriques français et européens, les énergies renouvelables, notamment les technologies solaire et éolienne, sont destinées à assurer une part grandissante de la demande d’électricité. Cette transition va fortement impacter le système électrique, en particulier augmenter les besoins de flexibilité pour maintenir l’équilibre constant entre offre et demande. Ainsi, les réacteurs
à eau pressurisée, majoritairement utilisés à pleine puissance pour recouvrir leurs coûts fixes élevés, devront participer à ces besoins de flexibilité et concourir face aux autres sources disponibles (hydraulique, batteries, flexibilité de la demande…).

Cette thèse présente tout d’abord les contraintes de flexibilité des réacteurs à eau pressurisée et se focalise sur les phénomènes influençant le calendrier de fonctionnement des réacteurs et l’évolution de leur puissance minimale de fonctionnement au cours de leur cycle d’irradiation, qui déterminent en partie la capacité de flexibilité des réacteurs. L’analyse de la littérature montre que ces contraintes de flexibilité sont rarement considérées par les modèles de simulation de systèmes électriques visant à déterminer la capacité et le fonctionnement des réacteurs dans des systèmes à forte part d’énergies renouvelables. L’absence de représentation de ces contraintes mésestime le potentiel de flexibilité des réacteurs, ce qui pourrait impacter les résultats de simulation, donc l’évaluation du rôle du nucléaire dans les futurs systèmes électriques décarbonés.

Afin de déterminer l’impact de la non-représentation de ces contraintes sur les résultats des modèles de simulation, cette thèse propose ensuite une méthode permettant de les implémenter dans un modèle de système électrique simplifié dont la part de la demande couverte par les renouvelables varie de 0 % à 80 % selon les cas de sensibilités. Les résultats de simulation permettent de déterminer que dans les cas où la pénétration des énergies renouvelables dans le système est élevée, la représentation de ces contraintes diminue l’estimation des coûts du système, mais aussi le niveau des émissions, et l’écrêtement des renouvelables. Ainsi, l’inclusion du calendrier de fonctionnement et de l’évolution de la puissance minimale des réacteurs dans les pratiques de modélisation semble déterminante pour l’évaluation de mix électriques combinant de fortes parts de renouvelables et du nucléaire.

Dès lors, la dernière partie de la thèse étend cette approche en incluant les contraintes de flexibilité dans un modèle d’optimisation des capacités de production visant la décarbonation d’un système électrique détaillé, basé sur une représentation de l’Europe en 2050. Le modèle permet l’investissement en capacités de production décarbonée, dont renouvelables et nucléaire, et en interconnexions entre pays, en visant un coût complet minimal de fonctionnement du système. Ces simulations concluent que la majorité de la production serait assurée par les renouvelables, ces capacités étant peu chères et à fort potentiel de développement. Le reste de la demande est en partie complété par de nouveaux programmes nucléaires qui apparaissent comme « sans regret » puisque des réacteurs sont installés même dans le scénario de dérive des coûts du nucléaire le plus défavorable. En dehors de ce scénario, le potentiel de développement nucléaire est maximisé, ce potentiel étant limité par les durées de construction, les chaînes d’approvisionnement et la volonté des pays à considérer de nouveaux réacteurs. Dans de tels mix de production, les réacteurs fonctionneraient de manière flexible, avec un facteur de charge réduit et un nombre de manœuvres de puissance plus conséquent. La thèse conclut quant à la viabilité technique et économique d’un tel mode de fonctionnement pour les réacteurs à eau pressurisée.

Laboratoire d’accueil

En collaboration avec l’Institut I-tésé du Commissariat à l’Énergie Atomique et aux Énergies Alternatives (CEA), la thèse a été réalisée au sein du Laboratoire Génie Industriel, l’une des 16 unités de recherche de CentraleSupélec, membre de l’Université Paris-Saclay. Le laboratoire élabore des méthodes d’aide à la décision et de l’optimisation de la conception et de la gestion de produits, services et systèmes industriels et logistiques, et ce quel qu’en soit leur secteur (l’aéronautique, l’automobile, l’énergie, la santé…). L’activité de recherche du laboratoire s’applique aux méthodes d’organisation, de gestion et d’exécution de la conception, de la production et de la distribution des produits et services, sur l’ensemble de leur cycle de vie. Le LGI est composé de quatre équipes traitant chacune un thème de recherche : équipe Ingénierie de la conception, équipe Aide à la Décision pour les Systèmes de Biens et Services, équipe Gestion des Risques dans les Projets complexes, et équipe Économie durable, celle au sein de laquelle la thèse fut effectuée.

       

Plus d’informations : http://www.lgi.centralesupelec.fr.

Soutenance de la thèse

La thèse a été soutenue le 13 décembre 2022 à Centrale Supélec, devant le jury composé de : Rodical Loisel, maître de conférences HDR à l’Université de Nantes (rapporteure) ; Patrice Geoffron, professeur des universités à l’Université Paris-Dauphine (rapporteur) ; Jesse Jenkins, professeur à l’Université de Princeton (examinateur) ; Patrick Criqui, directeur de recherche émérite à l’Université Grenoble-Alpes et au CNRS (examinateur) ; Olivier Massol, professeur à l’ENSPM-IFP School (examinateur) ; Gilles Mathonnière, docteur HDR (directeur de thèse) ; Vincent Rious, docteur et économiste à RTE (membre invité) ; Pascal Da Costa, professeur à CentraleSupélec (président de jury).

La thèse est disponible sur : https://www.theses.fr/2022UPAST147 et sur demande auprès de l’auteur.

Et après la thèse ?

Arthur Lynch poursuit ses analyses liées à l’avenir du nucléaire dans les systèmes électriques décarbonés au sein de l’Institut I-tésé du CEA. Parallèlement, il travaille sur les enjeux de gouvernance et de design du marché électrique, notamment ceux résultant de la récente crise des marchés énergétiques.

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